Mme Priscillia IMPROVISATO
Soutiendra mardi 1er juillet 2025 à 14 h
Salle Caryatides à l’Université de Montpellier Paul-Valéry, Site Saint-Charles 2
une thèse de DOCTORAT
Discipline : Psychologie spécialité Psychologie de la santé
Titre de la thèse : Modélisation cognitive du lien entre les pensées répétitives négatives et le craving dans le binge drinking
Composition du jury :
- M. Marc AURIACOMBE, Professeur, Université de Bordeaux
- Mme Lucia ROMO, Professeure, Université Paris Nanterre
- M. Raphaël TROUILLET, Professeur, Université de Montpellier Paul-Valéry, directeur de thèse
- Mme Isabelle VARESCON, Professeure, Université Paris Cité
Résumé de la thèse :
L’alcool occupe une place paradoxale dans nos esprits et notre société : bien que sa dangerosité soit avérée, il reste omniprésent et valorisé. Le binge drinking (BD), caractérisé par une alternance entre des épisodes de consommation excessive d’alcool et des périodes d’abstinence, est particulièrement répandu chez les jeunes adultes. Bien que souvent banalisé, ce comportement est associé à des risques importants sur le plan neurocognitif et émotionnel, et constitue une porte d’entrée possible vers le trouble de l’usage de l’alcool (TUA). Cette progression est d’autant plus préoccupante que le BD survient durant une période de maturation cérébrale, exposant ainsi les jeunes adultes à une vulnérabilité accrue face à la neurotoxicité de l’alcool. Le craving, ou envie impérieuse de consommer, est reconnu comme un mécanisme central dans le maintien des conduites addictives, mais reste encore insuffisamment étudié dans le contexte du BD, en particulier sous l’angle de ses déterminants cognitifs.
Cette thèse s’inscrit dans le cadre du modèle de Spada et al. (2013), qui met en lumière le rôle central des pensées répétitives négatives (PRN) – comme la rumination et l’inquiétude – dans l’émergence du craving. Pour enrichir ce modèle, la théorie du mode de traitement développée par Watkins (2008) a été mobilisée afin de mieux comprendre comment les PRN influencent l’expérience subjective du craving. Selon cette approche, ce n’est pas tant le contenu des PRN qui détermine leur effet, mais leur mode de traitement. Le traitement abstrait-analytique (PAA), focalisé sur les causes et significations des pensées, est associé à une régulation émotionnelle inefficace. À l’inverse, le traitement concret-expérientiel (PCE), ancré dans le présent et orienté vers l’action, favoriserait une meilleure adaptation émotionnelle.
Deux études expérimentales ont été menées auprès d’étudiants. La première a montré que le PAA augmente significativement l’intensité du craving chez les binge drinkers, comparativement au PCE. Elle confirme également que les binge drinkers ont tendance à adopter plus fréquemment un PAA que les non-binge drinkers. La seconde étude révèle que l’impulsivité trait modère cet effet : plus les individus sont impulsifs, plus l’effet du PAA sur le craving est accentué.
Ces résultats soulignent le rôle du mode de traitement cognitif des affects négatifs dans la dynamique du craving, et identifient l’impulsivité trait comme facteur aggravant. En contribuant à clarifier les mécanismes cognitifs impliqués dans le craving chez les jeunes adultes à risque, cette thèse ouvre des perspectives pour des interventions ciblées visant à favoriser des modes de traitement plus adaptatifs des PRN et à prévenir la progression vers des formes plus sévères d’addiction.
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Alcohol holds a paradoxical place in our minds and societies: despite its well-documented harmful effects, it remains omnipresent and socially valued. Binge drinking (BD) – defined as the rapid consumption of large quantities of alcohol followed by periods of abstinence – is particularly widespread among young adults. While socially normalized, this behavior poses significant neurocognitive and emotional risks and can evolve into alcohol use disorder (AUD). This progression is especially concerning because BD occurs during a critical period of brain maturation, increasing young adults’ vulnerability to the neurotoxic effects of alcohol. Craving, defined as an intense and compulsive desire to use a substance, is widely recognized as a key mechanism in the maintenance of addictive behaviors. However, in the context of BD, the cognitive and emotional determinants of craving remain underexplored.
This thesis is grounded in the metacognitive model of problematic alcohol use proposed by Spada et al. (2013), which highlights the central role of repetitive negative thinking (RNT)—such as rumination and worry—in the emergence of craving. To enrich this framework, Watkins’ Processing Mode Theory (2008) was used to better understand how RNT influences the subjective experience of craving. According to this approach, it is not the content of RNT that matters most, but rather how it is processed. The abstract-analytic mode (AAT), which focuses on the causes and meanings of thoughts, is associated with ineffective emotional regulation. In contrast, the concrete-experiential mode (CET), centered on present and oriented toward action, is thought to promote better emotional adjustment.
Two experimental studies were conducted with university students. The first study showed that AAT significantly increases craving intensity in binge drinkers compared to CET. It also confirmed that binge drinkers tend to adopt AAT more frequently than non-binge drinkers. The second study found that trait impulsivity (as measured by the UPPS-P model) moderates this effect: the more impulsive the individual, the stronger the impact of AAT on craving.
These findings underscore the importance of cognitive-affective processing modes in the emergence of craving and highlight impulsivity as an aggravating factor. By clarifying the mechanisms underlying craving in at-risk young adults, this research offers new perspectives for early intervention strategies focused on promoting more adaptive ways of processing negative thoughts and emotions.